Musique et handicap

La musique est un langage universel, elle touche les esprits, transcende les frontières. Elle est cathartique, a le pouvoir de guérir les âmes. La musique est une forme d'expression puissante qui peut transcender les limites physiques et émotionnelles...

Certes.

On trouve ces phrases (ou leurs jumelles) sur beaucoup de sites parlant de musique et de handicap.

 

Mon statut d’indépendante me donne la chance de pouvoir m’organiser comme je le souhaite et me permet beaucoup de souplesse dans mes propositions. J’ai donc pu recevoir à plusieurs reprises des enfants atypiques. A chaque fois, les familles sont arrivées chez moi un peu désespérées : “je voudrais bien que ma fille – mon fils fasse de la musique mais il a déjà essayé, ça ne s’est pas très bien passé, il n’y arrive pas …”. J’ai aussi pu discuter avec des familles qui avaient abandonné l’idée de faire faire de la musique à leurs enfants. Moi-même, maman d’un enfant autiste, j’ai inscrit mon fils en école de musique et nous avons abandonné au bout de deux ans.

On est loin du langage universel et de la guérison des âmes…

 

Mon propos n’est pas de critiquer l’enseignement dispensé en école de musique :

Toute structure organisée, même si chacune a sa sensibilité propre, a par définition une forme de rigidité nécessaire à son bon fonctionnement. Et toutes dispensent, j’en suis persuadée, un enseignement de qualité.

Cependant, je pense que le problème commence, pour certains enfants, dès l’énoncé du titre : “école” de musique. Ne se focalise-t-on pas trop sur le côté enseignement ? Parfois, aborder la musique directement sous l’angle de l’apprentissage est tout bonnement impossible. Et cela dépasse le cadre de la controverse “solfège ou pas solfège ?” que j’ai déjà abordée. Finalement, la plupart du temps, on ne propose de l’éveil musical qu’aux 3-6 ans puis on considère que l’enfant doit rentrer dans un processus structuré d’apprentissage de la musique. Je suis persuadée que pour certains, c’est contre-productif, voire impossible. Faut-il alors leur fermer les portes de la musique ?

 

Les enfants qui ont du mal à rentrer dans les apprentissages scolaires et qui font déjà, quels que soient leurs résultats, d’énormes efforts pour se conformer à ce que la société attend d’eux, se voient finalement proposer une heure de plus d’efforts et de concentration. N’auraient-ils pas plutôt besoin d’une heure d’espace de liberté pendant laquelle ils savent que l’on n’attend rien d’eux, où rien de ce qu’ils pourront faire n’est soumis à un jugement de valeur. Une heure (ou une durée plus courte peu importe) où on les met en situation de découvrir un univers sonore, un instrument (en ce qui me concerne, c’est le piano ou l’orgue, le chant, et bien sûr tout le matériel d’éveil musical habituel). Une heure où il peuvent expérimenter sans règles : uniquement par l’écoute s’ils ne veulent pas toucher à un instrument, debout s’ils ont du mal à rester assis, sans solfège s’ils ont du mal à discriminer des notes sur une portée, avec des mélodies connues s’ils ont peur de l’inconnu (c’était le cas de mon fils), ou au contraire avec leurs propres mélodies et cela, quel que soit leur âge …

Bien sûr, cela n’empêche pas de proposer des situations d’apprentissage mais je pense que ce qui est important c’est de ne pas se focaliser sur le résultat mais sur le plaisir de la découverte. Parfois, cela permet à l’enfant de finalement entrer dans les apprentissages. Parfois, non. Mais au moins, il aura découvert un univers. Et parfois, les compétences acquises ne seront pas musicales !

 

J’ai la chance de pouvoir m’organiser comme je veux, d’accueillir qui je veux et je trouve très important de pouvoir proposer de tels espaces de liberté. C’est le sens de mon “parcours liberté” : pouvoir proposer, à côté des offres usuelles d’enseignement structuré, un espace accueillant et adapté (du mieux que je puisse faire) à tous.